Journée mondiale de la vie sauvage


Le 03 mars est marqué par la journée mondiale de la vie sauvage. Une journée qui nous tient à cœur pour célébrer la faune et la flore sauvages, tout en sensibilisant au rôle crucial qu'elles jouent en faveur de notre bien-être et celui de notre planète. 

Pour l'occasion, nous avons rencontré trois photographes animaliers originaires du territoire, Christophe Blanchy, Cédric Robion et Maxime Pattyn, qui côtoient régulièrement des espèces sauvages sur le terrain, et qui ont bien voulu partager leur expérience avec nous pour aider à les préserver.  

 

  • Pourquoi avoir choisi la photographie animalière ? Qu'est-ce qui vous attire le plus dans ce domaine ? 

Christophe Blanchy : 
La photographie était un outil de travail dès les années 90. J'utilisais à cette époque l'appareil photo pour immortaliser le patrimoine dont j'étais le responsable au sein du Centre Botanique du jardin Exotique de Monaco. La flore succulente était mon univers, domaine pour lequel j'ai eu la chance de beaucoup voyager pour étudier la flore spécifique menacée des zones arides du globe.

Ma passion pour la nature m'est naturellement venue avec mon enfance passée en grande partie ici-même. Quand je n'étais pas ici, j'avais la chance d'aller chaque jour à pied à l'école sur le Rocher Monégasque en passant chaque matin et chaque après-midi par les Jardins du fort Antoine et Saint Martin. Le chant des merles, le chant des Martinets au printemps, le ballet des Goélands, parfois quelques dauphins, cet environnement que beaucoup qualifient de stérile renferme des précieuses richesses.

En complément de tout cela, énorme partie de mon temps était passée chez mes grands-parents dans les Bouches du Rhône. Le maquis provençal et l'initiation au suivi des animaux par mon grand père ont contribué à ma destinée. En toute logique j'ai réussi depuis 2015 à modifier littéralement ma vie pour m'adonner à cette passion : la photographie Nature et Animalière. Une spécialisation pour la sensibilisation et le suivi d'espèces s'est tout de suite manifestée. L'avifaune occupe une grande part de mon travail, et est même devenue objet d'une reconnaissance en Principauté, pour le compte de l'association Label Biodiversité (dans laquelle Maxime opère également). Ajoutez à cela une amitié partagée en pleine nature avec la référence dans le domaine, Cédric Robion.


Cédric Robion : 
J'ai toujours baigné dans le milieu de la montagne, depuis tout petit. C'est au fil de balades avec mes parents, plus jeune, que je me suis rapidement pris de passion pour l'observation des mammifères, et surtout des oiseaux. J'ai alors commencé à étudier les oiseaux de montagne. Après que l'on m'ait offert un appareil photo, j'ai démarré la photographie animalière, qui me passionne. Ce qui m'intéresse, c'est de suivre la faune, de comprendre le comportement des animaux, puis de construire mes propres images. De l'observation jusqu'à la réalisation d'un cliché, il y a tout un processus de connaissance, d'observation et d'étude de ces animaux qui peut être très long. Ce sont tous ces aspects-là de la photographie animalière qui me fascinent.  


Maxime Pattyn : 
Dès mon enfance, j'ai grandi dans une bergerie familiale entourée de nature et de vie sauvage. Chaque nuit, je me questionnais sur une ombre, un bruit que je percevais. C'est donc très jeune que j'ai été attiré par cette vie sauvage, qui me faisait me sentir vivant ! La photographie animalière est venue de manière totalement naturelle par la suite, comme un souvenir de l'instant présent.

 

  • Au fil des années, quelles évolutions liées au changement climatique avez-vous pu observer sur la vie sauvage ?

Christophe Blanchy : 
Ce qui me parle le plus est l'absence de chutes régulières de neige. Les espèces échappées de l'époque glaciaire sont par chance encore présentes, tout en devenant relictuelles. Les Tétras lyre paradent de nos jours dans l'herbe, mais sauront-ils encore longtemps s'en accommoder ? Je constate en parallèle l'évolution du pastoralisme : le mot n'est plus à la hauteur du volume des troupeaux. Il faudrait aujourd'hui nommer cette activité autrement, comprendre l'épuisement progressif des ressources en montagne. Auparavant les ovins étaient dispersés dans le respect total de la nature, les bovins peu nombreux. Le réchauffement se traduit par sécheresse, manque d'herbe 'en bas', en zones d'hivernage, ce qui impose aux éleveurs de monter plus tôt en 'estives' et d'y rester plus longtemps... Sur certaines zones, la flore n'a plus la possibilité d'accomplir son cycle de reproduction, les graines viennent à manquer, les réserves indispensables aux oiseaux hivernants deviennent trop rares. La raréfaction des passereaux, et de ce fait, de certains rapaces prédateurs est enclenchée. Le réchauffement modifie tous les équilibres naturels.


Cédric Robion : 
J'ai observé plusieurs évolutions, pas seulement liées au changement climatique mais aussi à la pression humaine. Entre autres, la disparition de certaines espèces d'oiseaux insectivores comme les hirondelles, l'arrivée de nouvelles espèces exotiques désormais présentes à basse altitude, ainsi que la raréfaction d'autres espèces sensibles au réchauffement climatique, telles que les espèces arctiques que l'on retrouve sur de hauts sommets. Tous ces bouleversements sont déjà palpables et risquent de s'accélérer au fil du temps.


Maxime Pattyn : 
Cela fait bientôt cinq ans que je réalise un suivi régulier de la faune sauvage présente à Valberg. Durant ce laps de temps qui, à l'échelle des saisons, est finalement assez court, j'ai pu observer des arrivées précoces d'espèces migratrices comme le circaète jean le blanc, conséquences du changement climatique. Ce qui m'a le plus marqué, c'est d'observer le pelage blanc du lièvre variable essayant de se fondre dans un paysage sans neige. Je me suis pris d'affection pour ces espèces reliques glacières, pour qui le changement climatique n'a jamais été aussi difficile.

 

  • ​Quels messages souhaiteriez-vous faire passer auprès de nos lecteurs ? 

Christophe Blanchy : 
Respecter l'environnement, votre source de vie ! Nous ne sommes qu'un minuscule maillon dans la chaîne du vivant, mais bel et bien celui qui cause le plus de dégâts, certains déjà irréversibles. Le plastique sera bientôt plus important que la biomasse des océans. Les animaux ne laissent rien derrière eux, pourquoi ne pas reconsidérer notre impact ? L'eau manque cruellement, réapprenons donc à mieux la gérer. Les anciens installaient en tout premier lieu une réserve pour le potager à côté de leur maison, pourquoi ne pas nous y mettre à nouveau ?... Chez moi l'eau courante n'est pas, le réseau n'existe pas. Je ne dispose pas de forage, mais mes deux seuls pans de toit remplissent une grosse citerne qui me donne un an et demi d'autonomie... !

Cédric Robion : 
Le message que je souhaite faire passer, c'est celui de protéger l'environnement, et de respecter la nature. Prendre le temps d'observer ce qui nous entoure, de la plus petite araignée jusqu'au plus grand mammifère que l'on a la chance d'avoir chez nous. Il est essentiel de protéger toutes ces vies, car ces vies sont importantes dans des cycles où tout est lié, et où l'humain est lié à la nature. C'est un message de prise de conscience, où il est essentiel de respecter cette nature, que ce soit les plantes, les animaux, la forêt... Tous ces êtres vivants qui nous entourent. 


Maxime Pattyn : 
S'il y a bien un sentiment que j'aimerais faire ressortir de mes années de photographie animalière, c'est ce sentiment d'égalité que j'ai pu éprouver à travers mes observations. Pour moi, il y a une vraie similitude entre ce que peuvent ressentir les êtres humains et les espèces sauvages. J'aimerais attirer l'attention des lecteurs là-dessus, et sur la nécessité de préserver cette faune sauvage. 
 

  • Question bonus : quelle est votre plus belle rencontre animalière ?  

Christophe Blanchy : 
Il est possible que nous soyons nombreux à définir cette rencontre ainsi : Première rencontre avec le Loup. Aucun regard n'est aussi envoûtant. Éradiqué en France, il est heureusement revenu jusqu'ici via des souches Italiennes. Le Parc du Mercantour ne serait pas aussi prestigieux s'il n'abritait pas de grands prédateurs. La biodiversité est directement liée à l'action des prédateurs, ils existent pour renforcer les espèces.

Cédric Robion : 
J'ai fait beaucoup de rencontres animalières extraordinaires après plus de vingt ans en montagne. Il m'est difficile de n'en citer qu'une, mais la dernière en date la plus magique est celle d'un loup il y a quelques mois. Il neigeait à gros flocons, j'étais en lisière de forêt, posté à l'affût depuis le matin, en espérant que des loups sortent. L'un d'eux fini par sortir du bois, et est venu vers moi, se tenant à une distance d'à peu près 50 mètres sous la neige. Cette vision était véritablement magique.  

Maxime Pattyn : 
En ce qui concerne ma plus belle rencontre animalière, je ne mentionnerai pas une espèce en particulier comme les rapaces ou grands prédateurs, car ce sont des moments qui restent gravés à jamais en mémoire. Je pense surtout que les plus beaux moments se trouvent dans les choses simples. Comme le jour de cet affût où j'étais posté, prêt à attendre des biches arrivant face à moi. Sauf que, ce jour là, les biches ont emprunté un autre chemin les conduisant droit sur moi. Au moment où je m'en suis aperçu, je me suis couché au sol en épousant les formes du muret auquel j'étais accoudé. Puis, les biches se sont rapprochées, de plus en plus près, jusqu'au moment où j'ai pu sentir les vibrations de leurs pas et la tension monter en moi. Il était impératif que je ne bouge pas d'un millimètre afin de ne pas les effrayer. Enfin est arrivé ce moment où j'ai senti la respiration d'une biche sur mon dos, curieuse de mon odeur. Physiquement, j'étais totalement immobile, mais je résistais intérieurement à un bouillonnement d'émotions qui me traversait de toute part. Les biches ont finalement continué leur chemin. Je trouve que l'émerveillement est partout, et que la vie sauvage a énormément à nous apporter.


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